Coin lecteur

Réal Fortin nous raconte dans son livre Histoire des Îles du Richelieu, publié en 2021…

quand le Richelieu était la rivière des Iroquois, puis des soldats.

Le Sang

Après avoir été attaqués par Champlain et des alliés autochtones, les Iroquois, particulièrement les Agniers (Mohawks), enclenchent de constantes incursions contre la nouvelle-France. Très souvent, ils empruntent la rivière Richelieu alors nommée la rivière des Iroquois, pour frapper ici et là. C’est par le même parcours qu’ils ramènent leurs prisonniers. Si certains, comme le trafiquant Pierre Esprit Radisson s’en sortent, d’autres, comme les missionnaires Isaac Jogues et René Goupil, Guillaume Couture et plusieurs Hurons, connaissent un sort plus tragique. Les récits de ces prisonniers précisent souvent que les Iroquois établissaient leurs camps de nuit dans une île à l’abri d’éventuelles attaques.

Quittant Trois-Rivières le 2 août 1642 pour se rendre en Huronie, le père Jogues et ses compagnons sont capturés deux jours plus tard:

… Nous étions 22 captifs car trois d’entre nous avaient reçu la mort. Dans ce voyage qui dura 13 jours, nous avons beaucoup souffert, avec la grâce de Dieu, entre autres choses la faim, la chaleur, les menaces (…) et les très vives douleurs de nos plaies encore ouvertes et envenimées, dans lesquelles naissaient déjà des vers. (…)

Le huitième jour nous rencontrâmes une bande de 200 Sauvages, qui allaient en guerre. Ils campaient alors sur une petite île. Alors ils coupèrent tous des bâtons dans la forêt voisine, pour se mettre en état de nous recevoir. Aussitôt que nous eûmes mis pied à terre, ils se rangèrent en deux haies, et nous accablèrent tellement de coups, que me trouvant le dernier, et par là même plus exposé, je tombai accablé par leur nombre et leur cruauté. (…) Aussi, soit par faiblesse, soit par lâcheté, je ne me relevai pas.

… Ils me brûlèrent un doigt et en broyèrent un autre avec leurs dents. (…) Le sort de mes compagnons ne fut pas meilleur.

Le père Joseph Bressani et quelques compagnons connaîtront un sort semblable à la suite de leur capture, le 27 avril 1644. Après leur avoir infligé de nombreux sévices, les Iroquois les vendront aux Hollandais et ils purent retourner en France.

La vallée des Forts

Il aura fallu l’intervention du régiment de Carignan, en 1665, pour interrompre ces agressions dévastatrices.

Une fois la paix réglée avec les Iroquois en 1667 puis en 1701, la Nouvelle-France doit faire face à de perpétuels conflits avec les colonnes anglo-saxonnes. le Richelieu et le lac Champlain sont régulièrement fortifiés : Chambly, Sainte-Thérèse, Saint-Jean, Île aux Noix, Saint-Frédéric reçoivent régulièrement des militaires. C’est à l’île aux Noix qu’aura lieu le dernier affrontement de la Nouvelle-France tandis que le fort Saint-Jean sera assiégé durant 45 jours par les révolutionnaires américains, en 1775. Au cours de la guerre de 1812-1814, Chambly devient le poste de commandement de toute la rive sud de Montréal, mais on demeure aux aguets dans les îles aux Noix et aux Têtes.

Bref, on peut retracer l’histoire militaire de l’Amérique du Nord à travers les échauffourées, les confrontations, les attaques, les raids qui éclatent de long de la rivière Richelieu.